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Le renouveau du clip dans le rap français :

Sorti il y a tout juste un an, le clip « Au DD » de PNL, a choqué le monde du rap par son audace et sa qualité. Depuis quelques années, le clip français a connu une certaine évolution aussi bien esthétique que créative. Alors que le monde du clip vidéo était mal en point depuis la fin des années 2000, plusieurs récentes créations nous font penser qu’une nouvelle page est en train de s’écrire dans l’univers visuel français.

Le clip et la musique, c’est une histoire qui a commencé il y a longtemps et il n’est pas question ici de revenir sur la genèse du procédé et son évolution au cours du temps. Simplement, lorsque les appareils numériques sont devenus abordables pour les particuliers et que n’importe qui pouvait tourner une vidéo de qualité, le monde du clip, notamment dans le rap, a cru au début de la fin. Le documentaire « les clippeurs » nous fait un tableau de cette époque et du changement drastique que les professionnels du clip ont connus : les moyens mis à dispositions se sont divisés par 10, les artistes ne faisaient plus appel à des professionnels, l’explosion du Canon 5D à offert la possibilité à n’importe qui de réaliser ses propres clips … Si cela a profité à la musique et à l’explosion d’une multiplicité d’artistes sur les réseaux et les plateformes, la qualité du clip s’en est retrouvée bien amoindrie.

Le clip, institutionnalisé par les américains, a pris du temps à prendre son envol en France et à affirmer une esthétique propre aux réalisateurs qui s’en occupait. Au début des années 2010, le clip est devenu une industrie presque aussi productive que la musique. Il n’y a qu’à voir Chris Macari et compagnie pour se rendre compte de leurs moyens de fabrication : une caméra, une après-midi, des voitures, des filles et c’est bouclé. L’intérêt était de clipper le plus possible et d’offrir régulièrement aux réseaux un visuel pour les morceaux des artistes. Dorénavant, le clip a plus comme fonction de teaser les projets, de mettre en image les singles des artistes ou de donner une seconde vie à un morceau d’album. Moins de production, plus de qualité.

Si certains rappeurs continuent de produire des clips "à l'ancienne", d'autres participent à ce nouvel élan et permet au rap français de montrer un nouveau visage.

L'émergence de purs talents

De nouveaux réalisateurs comme le duo Adrien Lagier et Ousmane Ly, incarnent parfaitement cette nouvelle génération prête à en découdre avec les codes du passé. Plus conceptuels, leurs clips mettent en scène des idées, souvent avec très peu de moyens, servies avec une esthétique soignée en adéquation avec le morceau et l’univers de l’artiste. Il n’y a qu’à voir Rêves bizarres d’Orelsan et Damso ou Siliconé de Niska pour se rendre compte de la qualité de leur production : une volonté pure et dure de choquer le spectateur, de l’interpeller, d’ajouter une vision personnelle à un morceau.

L’influence américaine perdure et celle-ci participe à renforcer le caractère du clip vidéo à l’international. Les effets visuels, bien que présents depuis toujours (Danse le mia de Gondry comme précurseur) se multiplient et font maintenant partie intégrante du clip musical. Les monteurs ont ici une grande part de responsabilité et ne sont peut-être pas assez remerciés aux yeux du grand public. Le travail qu’ils accomplissent en post production, que ce soit à travers le rythme des images ou des multitudes d’effets visuels en tout genre, demandent beaucoup de temps et d’investissements. RAC de SCH, Tornade de Tengo John ou encore Mauvais de LEFA, reposent en partie sur un énorme travail réalisé après le tournage. Ces monteurs méconnus du public, sont souvent jeunes et dotés d’un incroyable talent.

Une forme enfin légitimisée

A noter également que les clippeurs sont plus soutenus maintenant que quelques années auparavant. Si leur condition n’est pas encore idéale et que de nombreux clips se font sans être déclarés, plusieurs instances supportent les créations visuelles. A commencer par le CNC, le grand manitou du cinéma français. Celui-ci accorde une aide à plusieurs projets sous soumission d’un dossier de production. Le clip de PNL au DD a pu en bénéficier, plusieurs clips de Orelsan également et bien d’autres. Cette aide, créée en 2016, finance une partie des clips et pèse énormément dans l’autorisation des lieux de tournage et des moyens mis à disposition. Cette aide publique permet de légitimiser et de démocratiser le clip de rap français qui est souvent marginalisé par les instances professionnelles. Cette aide est d'ailleurs réservée à tous les genres musicaux mais le rap est assez peu représenté dans le résultat des commissions. Heuresement que d'autres aides existent, qu'elles soient régionales, départementales ou associatives, elles permettent à des boîtes/associations de faciliter la réalisation de leurs projets visuels, là aussi, sous présentation d'un dossier de production.

Une direction artistique précisée

Le clip peut aussi être un moyen très utile pour définir la direction artistique d’un rappeur. Il n’ y a que voir le travail réalisé autour de Trinity, le dernier projet de Laylow. Son univers musical est déjà très marqué et il s’impose de plus en plus comme un ovni du rap français. En plus de sa musique, l’artiste s’est entouré d’une solide équipe pour réaliser ses clips : TBMA. L’univers visuel qu’ils nous partagent reste assez incroyable, entre une esthétique digne de Matrix et des environnements néonnées à la Gaspard Noé, les clips de Laylow se veulent différents, étranges, sombres, à l’image de son artiste. Entre Poizon, Megatron et Trintyville, l’univers affiché est le même et permet d’identifier Laylow comme un artiste à part.

L’utilité du clip a évolué avec son histoire. Son utilisation et son visionnage ne sont plus les mêmes qu’auparavant, l’auditeur/spectateur attend désormais des visuels de ses artistes avec impatience.  L’identité du rappeur ne repose plus essentiellement sur sa musique mais sur toute la communication qui l’accompagne…et le clip est ici pour l’artiste un élément essentiel pour faire comprendre au monde sa vision des choses.

M.L.

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