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Le p’tit film #3

Ne coupez pas !

Parce que le cinéma ne s’arrête pas seulement à ses salles obscures, nous vous proposons ce mois-ci un formidable spécimen du cinéma japonais, un hommage au septième art, à la conception de ses films et à l'ingéniosité de ses créateurs. Ne coupez pas ! est devenu l’un des plus gros succès du cinéma indépendant japonais...autopsie de cette success story.

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Crédit photo : SlashFilm.com

Sorti au Japon en 2017 et arrivé dans le paysage français 2 ans plus tard, Ne coupez pas ! est un long-métrage réalisé par Shinichiro Ueda, réalisateur et scénariste de 36 ans. En 2010, il crée avec des amis la société de production “POPOKOPINA”, il y produit 7 films qui auront un certain succès en festivals mais ne seront jamais diffusés en salles.

Véritable cinéphile, Shinichiro Ueda s’inspire du travail des autres et apprend le cinéma en autodidacte, “Avec mes amis, on regardait des films, puis on filmait, puis on regardait à nouveau des films et on filmait encore. C'est comme ça que j'ai appris.” Dans ses genres de prédilections, Ueda raffole des films d’horreur et plus spécifiquement des films de zombies. Avec Ne coupez pas!, le réalisateur décide d’utiliser de nombreux procédés propres aux films de zombies (les effets de maquillage, des têtes qui roulent, des mains arrachées, du sang qui gicle ...) de se les réapproprier et ainsi d’offrir un film surprenant qui joue sur les codes de narration et de mise en scène classique.

 

Avec une équipe réduite, une poignée de comédiens, des moyens de productions limités et un temps de tournage record, Ne coupez pas! signe une prouesse artistique, à la fois drôle et impressionnante. Impressionnante car le film a été réalisé en tout et pour tout avec 25.000 petits dollars….25.000 dollars est un budget dérisoire pour un long-métrage, ce sont des techniciens payés au lance pierre (ont-ils vraiment été payés...on se le demande), c’est une table régie qui se résume à un thermos rempli de café réchauffé de la veille et une boite de chewing gum qui trainait dans la boîte à gants de l’ingé son, ce sont des nuits à dormir dans une auberge de jeunesse avec des étudiants ERASMUS, ce sont des comédiens qui participent au nettoyage du faux-sang à la fin d’une séquence, ce sont des journées tellement denses qu’il arrive sur le tournage de confondre réalité et fiction et…. Oui en fait c’est cela un film à 25.000 dollars, un film où tout le monde participe, prend des risques et est prêt à donner sa vie pour que la caméra continue de tourner…Et c’est exactement ce qu’a décidé de filmer Shinichiro Ueda.

 

Ne coupez pas! c’est d’abord un plan séquence de 37 minutes qui filme une équipe de cinéma installée dans une usine abandonnée pour tourner un film de zombies. Le metteur en scène persécute sa jeune comédienne qui ne parvient pas à  jouer la peur. Des tensions naissent peu à peu sur le plateau de tournage jusqu’à ce que subitement….de véritables zombies viennent perturber le tournage. D’un étrange amateurisme, le film montre un exercice de style bourré d’imperfections et des réactions de personnages plus saugrenues les unes que les autres. 

Ce film célèbre le cinéma et ses différentes formes, si vous ne voulez pas être spoilé, merci de sauter le prochain paragraphe.

 

37 minutes de plan séquence, une course poursuite insensée et plein de questions en suspens, le film se termine. Générique de fin. Après quelques secondes de noir, le film redémarre et change totalement d’esthétique. Nous nous retrouvons quelques semaines plus tôt avec ce même metteur en scène qui reçoit une commande ahurissante d’une chaîne de télé : tourner un plan séquence de 37 minutes en direct pour la télévision. Hésitant, le réalisateur finit par accepter ce pari totalement fou et se lance dans l’organisation du tournage. Sans trop vous en dire et vous laisser  une part de surprise, la troisième partie du film montre, le déroulement du plan séquence d’un nouveau point de vue et répond à toutes nos interrogations et incompréhensions. 

 

A l’origine, le film était programmé dans 2 salles japonaises pour 3 jours de diffusion. Finalement, le bouche à oreille a profité à la bonne exploitation du film qui s’est retrouvé au bout de quelques jours à l’affiche de plus de 300 cinémas nippons. Fort de ce succès local, le film a été envoyé à plusieurs festivals internationaux et s’est fait remarqué par des distributeurs étrangers. En France, Les films de Tokyo se sont occupé de sa distribution. Il sort sur 3 copies et réalise 2281 entrées. Des chiffres, il est vrai, assez insignifiants pour l’hexagone, mais le film a rapporté finalement 25 millions de dollars dans le monde pour un budget initial de 25000 dollars...C’est 1000 fois plus que ce qu’il a coûté...comme quoi avec un peu de persévérance et beaucoup de passion, tout est possible n’est-ce pas Aurél' ? “Si tu veux faire des films t’as juste besoin d’un truc qui filme. Dire “j’ai pas de matos” ou “pas de contact” c’est un truc de victime” (Orelsan ft Ibeyi - Notes pour plus tard)

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