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Rembobinez #2

12 hommes en colère (1957) de Sidney Lumet

Après vous avoir fait une petite sélection de films sur le huis clos, il était nécessaire de se pencher plus amplement sur l’un d’entre eux : le huis clos le plus passionnant du cinéma ou comment rendre exaltant une discussion entre 12 hommes dans une seule et même pièce.

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Crédit photo : affiche 12 hommes en colère (senscritique)

Il s’agit ici du premier film de son réalisateur, et quel réalisateur, Sidney Lumet (“Serpico”, “L’avocat du diable”, “Un après midi de chien”). Avec 50 ans de carrière Sidney Lumet a réalisé d’immenses films et "12 hommes en colère" est certainement celui qui a fait couler le plus d’encre chez la critique et chez les spectateurs (film le mieux noté du site senscritique). Sorti en 1957, “12 hommes en colère” a d’abord été écrit par Reginald Rose pour un téléfilm diffusé en 1954 puis adapté en pièce de théâtre un an plus tard, logique quand on voit que le film respecte les règles du théâtre classique, unité de temps, de lieu et d’action. Puis c'est Lumet qui sera choisi pour le réaliser pour le cinéma. Et tout de suite le film prend une tournure particulière, en raison de répétitions exténuantes pendant plus de deux semaines, et pour respecter les coûts de production, Lumet doit tourner en un temps record et pour un minimum d'argent. "12 hommes en colère" sera donc tourner en 21 jours pour la modique somme de 340 000 dollars !

 

La caméra de Lumet va s’immiscer durant les 1h36 de film dans la salle de délibération de 12 jurés. L’affaire est simple et sera vite pliée, seulement voilà le verdict doit être donné à l’unanimité. 11 jurés jugent le jeune, accusé du meurtre de son père, coupable et un seul juré l’identifie comme non coupable, il devra entreprendre de les convaincre. Et qui de mieux pour jouer cet homme seul face au monde que Henry Fonda, le visage de l’amérique. En effet Henry Fonda c’est ce visage bon, c’est cet homme pur et droit, reflet de “la grande amérique”. On le connaît chez John Ford avec “Les raisins de la colère” (1940) ou encore chez Hitchcock avec “Le faux coupable” (1956). Et ce film va contribuer bien sûr à cette image qu’il va se forger tout au long de sa carrière. Il est assez ironique de remarquer comment son fils Peter Fonda s'évertura à détruire cette image de l’amérique puritaine créée par son père. Peter est en effet connu pour ses multiples addictions et pour son comportement “déviant”. De plus il joue dans des films qui reflètent cette image contestatrice, “Easy Rider” (1969) en tête de proue.

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Crédit photo : Peter Fonda (à gauche) et Henry Fonda (à droite)

Lumet est donc confiné dans cette salle de délibération, et il va jouer avec l'étroitesse de celle ci, il va nous la faire ressentir. En effet, au fur et à mesure de l'avancement du tournage Lumet utilisa des objectifs de focales croissantes, pour donner l'impression que les décors se rapprochent de plus en plus des personnages, accroissant ainsi le sentiment d'étouffement. Il déclare :

"J'ai tourné le premier tiers du film au-dessus du niveau des yeux, le deuxième tiers à hauteur des yeux et le dernier tiers en-dessous du niveau des yeux. Ainsi, vers la fin du film, on commençait à voir le plafond. Les murs se rapprochaient, et le plafond semblait s'abaisser. Cette sensation d'une claustrophobie grandissante m'a permis de maintenir la tension jusqu'à la fin où j'ai utilisé un angle large pour laisser le spectateur respirer.".

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Crédit photo : Sidney Lumet (Rockyrama)

Les corps de ses personnages sont étouffés et vont devoir trouver une place dans cette pièce, ils affirment les positions des personnages (assis et affaiblis, face à face, en confrontation). Lumet fait dans la mesure et découpe très peu son film, "12 hommes en colère" ne compte que 365 plans distincts, là où la majorité des films contemporains en sont à environ 1 500. Il prouve ainsi dès son premier film qu’il possède une réelle vision de la mise en scène, il dirige sublimement les corps de ces acteurs dans l’espace tant et si bien qu’il n’a jamais été aussi palpitant de voir des gens parler autour d’une table.

 

“12 hommes en colère” est un long métrage rempli de philosophie, difficile de ne pas penser à Platon devant ce film. En effet Henry Fonda se place ici comme Socrate exerçant sa maïeutique, procédé qui consiste à faire accoucher l’esprit de ses vérités à travers des questionnements. Ce que fait Fonda durant tout le film n’est rien d’autre que ce que fait Socrate durant les innombrables discussions décrites par Platon. Chaque esprit porte en lui le savoir sans en avoir conscience et seul un tiers peut le faire ressortir. Ici chaque juré a une raison bien précise de conclure ce jugement au plus vite et de croire les éléments évidents de l'enquête. Mais le personnage d’Henry Fonda va les pousser à parler, pour se dévoiler et révéler les failles de l’enquête. Ne pas juger sur les apparences et ne pas juger trop vite, regarder un fait sous tous ses angles pour le comprendre réellement, tels sont les messages que nous inculque le film. Mais surtout, et c’est le plus important, comme le disait Nietzsche “Ce n’est pas le doute mais la certitude qui rend fou”.

 

H.B

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